En septembre 2015, un laboratoire de l’Université de Virginie-Occidentale travaillant à la demande de l’International Council of Clean Transportation a révélé que, depuis des années, Volkswagen triche aux tests antipollution grâce à un logiciel de gestion moteur – mis au point par Bosch – capable de repérer les situations de test. Le véhicule équipé du moteur diesel montre alors qu’il respecte bien toutes les normes anti-pollution avant de se remettre, dès qu’il roule sur une route, en mode « normal », infiniment plus polluant.

Ainsi, à titre purement indicatif, pour la VW Jetta 2,0 TDI de 2012 et la Passat 2,0 TDI de 2013, le niveau d’émissions de monoxyde et dioxyde d’azote – deux gaz très nocifs pour la santé et très strictement limités aux Etats-Unis – est jusqu’à 35 fois plus élevé lorsque le véhicule est en mode « route » que lorsque le véhicule est en mode « test ».

Le 3 septembre 2015, Volkswagen a avoué avoir utilisé un « logiciel tricheur » depuis 2008, après avoir constaté que son nouveau moteur diesel « propre » sans urée, qui avait coûté extrêmement cher à mettre au point, était en fait incapable de respecter même de loin les normes anti-pollution.

En Europe, plus d’un véhicule sur deux roule au diesel. Volkswagen a reconnu que le logiciel tricheur qui diminue le niveau réel de pollution lors des tests équipe 11 millions de ses véhicules construits entre 2008 et 2014,  dont 8,5 millions en Europe. Rien qu’en Belgique, D’Ieteren, l’importateur exclusif, répertorie 393.648 véhicules incluant le logiciel.

Il s’agit de tous les véhicules des marques du groupe Volkswagen équipés d’un moteur diesel EA189, soit Volkswagen, Audi, Skoda et Seat. Les moteurs concernés seraient les cylindrées 1,2 (Polo), 1,6 et 2,0.

Volkswagen assure qu’il va rappeler, dès le 1er janvier et pendant toute l’année 2016, tous les véhicules concernés. Trois scénarios – dont deux semblent hors de prix – sont alors envisageables : rachat de tous les véhicules, installation dans chacun d’eux d’un système de traitement à l’urée AdBlue (ce qui implique des modifications importantes) ou retrait du logiciel incriminé, avec mise en mode « test » du véhicule bien sûr.

Hélas, le but de Volkswagen, en voulant mettre au point son nouveau moteur turbo diesel propre, était de concilier performance, faible consommation de carburant et taux acceptable de pollution, et c’est précisément ce qu’ils ne sont pas parvenus à faire. D’où l’idée de cacher la pollution réelle, puisqu’il ne pouvait être question de diminuer les arguments de puissance et d’économie de carburant qui faisaient opter pour un moteur diesel nouvelle génération.

Par conséquent, mettre les véhicules rappelés en mode « test » afin de respecter notamment les normes d’émission d’oxydes d’azote entraînera probablement une plus grande consommation de carburant, une plus faible puissance du véhicule mais aussi une plus importante émission de CO2.

Si Volkswagen choisit simplement de retirer le logiciel, 11 millions de véhicules dont 393.648 belges risquent donc de ne plus être ce pour quoi on les a acquis.

A la date d’aujourd’hui, il semblerait que les moteurs 2,0 pourraient être mis en conformité par un nouveau logiciel – sans pour autant que VW puisse garantir que cela n’affecterait pas les performances du moteur au niveau de la puissance et de la consommation. Les moteurs 1,6 nécessiteraient des modifications importantes. Pour les moteurs 1,2, il n’y aurait pas de solution.

Aspects juridiques

Selon l’article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui en diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

Au sens de cette disposition, le « vice » est un défaut de la chose vendue qui la rend impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue fortement cet usage. En l’état actuel des choses, on ne peut donc pas affirmer avec certitude que le logiciel installé sur les véhicules concernés rend ceux-ci impropres à l’usage auquel ils étaient destinés. Cela serait toutefois le cas si Volkswagen décidait de rappeler les véhicules concernés et que les performances du véhicule venaient à en être affectées encore que la consommation et les émissions de CO2 s’en trouvaient augmentées.

Il y a deux régimes applicables : celui de l’article 1641 du Code Civil pour toutes les transactions commerciales (B2B) et les ventes à des consommateurs qui datent de plus de deux ans ; et celui de l’article 1649quater du Code Civil pour les ventes à des consommateurs pour lesquelles le délai de garantie de deux ans n’a pas encore expiré.

L’acheteur qui agit sur base des articles 1641 et suivants du Code civil a le droit, à supposer que sa demande soit déclarée recevable et fondée, de garder la chose et demander à s’en faire restituer une partie du prix.

Il est toutefois impératif de ne pas perdre de vue que toute action en justice sur base de ces dispositions est prescrite « à bref délai » à partir de la découverte du vice qui affecte la chose. L’action doit par ailleurs être introduite, en vertu de l’article 2262bis du Code civil, endéans les 10 ans à partir de la vente.

Enfin, en vertu du nouvel article 1649quater du Code civil, « le vendeur répond vis-à-vis du consommateur de tout défaut de conformité qui existe au moment de la délivrance du bien et qui apparaît dans un délai de deux ans à compter de celle-ci ». L’acheteur doit par ailleurs agir dans un délai d’un an à compter du jour où il a constaté le défaut de conformité, sans que ce délai puisse expirer avant la fin du délai de deux ans.

Ainsi, si le véhicule a été acheté il y a moins de deux ans et que l’action est intentée au plus tard un an après la découverte du défaut, l’acheteur peut alors choisir entre la réparation, sans frais, du bien ; le remplacement, sans frais, du bien ; une réduction adéquate du prix ou encore la résolution de la vente. Si le véhicule a été acheté il y a plus de deux ans, les articles 1641 et suivants du Code civil retrouvent alors à s’appliquer.

Enfin, bien qu’il soit impossible de déterminer avec certitude aujourd’hui quelles seront les conséquences des manipulations qui vont être effectuées prochainement sur les véhicules concernés, on peut toutefois déjà établir une brève typologie des dommages envisageables.

Tout d’abord, il est certain qu’un dommage serait reconnu dans le chef de l’acheteur si la puissance du véhicule devait être affectée par la mise en conformité du moteur avec les normes écologiques concernées. Il en va de même si la consommation de carburant venait à être augmentée. Enfin, si les émissions de CO2 venaient elles aussi à être augmentées, le consommateur belge (plus particulièrement, le consommateur wallon) pourrait bien en pâtir également. En effet, en Wallonie, la taxe de mise en circulation est fonction du taux d’émission de CO2 du véhicule à immatriculer. Sur le marché de l’occasion, un véhicule qui a un fort taux d’émission de CO2 est donc plus difficile à revendre qu’un véhicule moins polluant ; la même remarque pouvant bien évidemment être formulée pour un véhicule moins puissant ou plus énergivore.

Enfin, quelles que soient les conséquences de cette tricherie, il est de toute façon indéniable que les véhicules achetés ne correspondent pas aux véhicules qui avaient été vantés aux acheteurs et que, de ce fait même, les acheteurs ont bel et bien été lésés.

Über den Autor

  • Guido Imfeld

    Guido Imfeld ist zugelassener Anwalt seit 1996 und Fachanwalt für Internationales Wirtschaftsrecht, für Handels- und Gesellschaftsrecht. Seit dem Jahre 2000 ist er auch in Belgien als Anwalt zugelassen. Zum Anwaltsprofil